Honte, honte, honte
Comme ça fait longtemps que je ne vous ai pas réchauffé le coeur avec mes histoires et que je sèche un peu sur la dernière partie du livre de la drague, je vous livre aujourd’hui une petite anecdote marrante sur ce qui a pu m’arriver aux Etats-Unis.
Il y a des dizaines de choses marrantes qui se sont passées là-bas, il faudrait que je fasse un livre uniquement sur ces six mois. Mais aujourd’hui, je pense à une fille en particulier, dont j’ai retrouvé la photo hier en fouillant dans mes affaires (merci, cher contact MSN, de m’avoir fait entreprendre ce dépoussiérage).
Elle est très belle, très blonde, très disponible. Je la rencontre à une soirée dans un petit bar de l’Ohio, et le destin frappe, comme il a l’habitude, de manière tout à fait ridicule : j’apprends en effet dans la conversation qu’elle s’est déjà rendue en France. Et où, me demanderez-vous ? Dans mon petit village de merde, à côté de Grenoble ! Village dont la population n’excède pas 1000 habitants, je pense. Il y a quand même des coïncidences troublantes, vous avouerez !
Bref, la soirée se passe très agréablement. Elle fait partie de ce genre de filles qui est sensuelle et le sait. Elle prétexte la musique forte pour sussurer ses réponses à l’oreille, j’ai son souffle chaud contre ma joue, je fonds complètement. Evidemment, de mon côté, j’utilise à mort l’accent français qui m’a sauvé dix mille fois la vie aux US. C’était avant le 11 septembre et l’Irak, je le précise – n’essayez plus trop ça maintenant ;). Elle s’appelait June, je trouvais le nom très sympa, en parfaite adéquation avec son profil.
Fin de soirée, elle se lamente à voix haute sur le fait que les rues ne sont pas sûres dans le coin, je me propose généreusement de la raccompagner, elle me demande si je sais ce que le mot « blowjob » veut dire en anglais. Bon. La nuit s’annonce bien.
On reste presque une semaine ensemble, une semaine assez très beaucoup agréable en fait. Elle est vendeuse dans une boutique qui s’appelle Urban Outfitters, et j’ai des prix sur les vêtements (je dis ça pour que Daviso comprenne enfin pourquoi j’étais habillé comme une merde en revenant des US).
Mais c’est là qu’intervient ze honte. Un jour, en pleine action (et quand je dis en pleine action, c’était vraiment ça), la porte s’ouvre. Sky, my husband ! Ciel, mon mari ! Eh oui, la charmante demoiselle avait omis de me préciser qu’elle était maquée depuis deux ans – et que le gars était tout simplement parti en Spring Break. Hum. Moi qui mets un point d’honneur à ne jamais draguer de fille maquée, je me suis tout d’un coup senti très con.
Imaginez la scène. Vous l’avez sûrement vue dans de nombreux vaudevilles, mais imaginez-la en vrai. Vous êtes dessus, vos fesses s’agitent frénétiquement, quand soudain vous entendez le bruit d’une clé dans la serrrure et la porte qui tourne. Vous bondissez hors du lit (première pensée, merde ce sont les parents) en chopant une partie de la couverture pour vous cacher. Même réflexe du côté de la fille, qui a une expression d’horreur sur le visage. Du coup, vous êtes deux à vous disputer, à poil, la couverture alors que le mec (tout habillé, lui, et le sourire aux lèvres) rentre dans la pièce. Son sourire se met à fondre. Il a des fleurs dans les bras (histoire que je me sente encore plus coupable).
J’ai vraiment cru que ça allait très, très mal se finir. Heureusement, le gars ne m’a pas foncé dessus, je n’aurais même pas pris la peine de me défendre tellement je me sentais mal quand j’ai compris ce qu’il se passait. Mais encore une fois, je pense que mon accent m’a sauvé, il a hésité à taper un frenchie, je ne sais pas. Ou alors le fait que je faisais 20cm de plus que lui et il n’a pas voulu s’en prendre une (même si je ne suis vraiment, vraiment pas terrifiant).
Bref, il gueule « out, out, out !” et je pars out, out, out en ramassant mes affaires, comme dans un vaudeville de nouveau.
Plus de nouvelles de la fille jusqu’au moment de mon départ des US. Elle vient me voir deux jours avant le départ, avec toute une pile de vêtements de son magasin. Elle les presse dans mes mains le sourire aux lèvres, en me remerciant pour tout. Elle me dit que les choses se sont arrangées avec son mec, parce que j’étais français justement. Elle lui a fait croire que c’était mon côté « exotique » qui lui avait plu et donc qu’il n’avait pas à être jaloux. La logique est moyenne mais bon, il a tout gobé visiblement. Et donc elle me file tous ces vêtements pour se faire pardonner de ne rien m’avoir dit.
Et je me retrouve donc le lendemain dans l’avion avec une valise bourrée de fringues (deux T-shirts moulants, deux jeans en plus) à me sentir vaguement utilisé. Merde, je suis une pute de luxe, je me suis même fait payer pour ma prestation.
C’est quand même humiliant.
